Article du magasine “PSYCHOLOGIE”
Dans son dernier essai, Alain Ehrenberg (sociologue français et directeur de recherche au CNRS) s’interroge sur la place des neurosciences dans la société. Avec l’essor de cette discipline, chacun développe un idéal de “potentiel caché”, à l’image des capacités hors normes de certains autistes. Entretien.
Propos recueillis par Christilla Pellé-Douël
Psychologies : La seconde moitié du XXe siècle a été celles de la psychanalyse. Le XXIe siècle serait-il celui du cerveau ?
Alain Ehrenberg : C’est ce que prétendent les sciences du cerveau et les psychologies scientifiques, dites cognitives et comportementales, leur association formant les neurosciences cognitives. Elles bénéficient d’un engouement dont la psychanalyse faisait l’objet il n’y a pas si longtemps, c’est-à-dire qu’elles auraient des réponses à tous les problèmes. La psychanalyse s’est développée dans le contexte de la société industrielle, alors que les neurosciences cognitives ont connu leur essor dans une société où les idées-valeurs de l’autonomie devenaient dominantes. La première développe des pratiques réflexives sur le sens des relations (parents-enfants, etc.), tandis que les secondes font appel à des exercices et des entraînements pour modifier les habitudes. Il y a là deux manières de soutenir son être moral dans les sociétés individualistes de masse.